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De Jérémie à Harvard : Dr Yvon Janvier, une voix pour la dignité humaine

Quand Dr Yvon Janvier parle des droits humains, ses mots ne cherchent ni applaudissements ni gloire personnelle. Son combat ancré dans les réalités poignantes de la vie haïtienne, est simplement celui d’un homme qui, comme Stéphane Hessel, s’indigne et a décidé très tôt que le silence devant l’injustice n’était pas une option.

Le 9 avril dernier, c’est devant un public international, réuni en présentiel et virtuellement par la prestigieuse Harvard Law School Advocates for Human Rights, que le professeur Yvon Janvier, docteur en droit humains, a partagé son histoire poignante. Sélectionné parmi les trois finalistes du très convoité Global Advocacy Award, Dr Janvier a captivé son auditoire par une authenticité rare, rappelant à tous que son engagement n’était pas un choix de carrière, mais un impératif moral né d’expériences vécues.

« Dans mon enfance à Jérémie, j’ai été marqué par la mort d’un bébé dont les parents, démunis, ne pouvaient le nourrir adéquatement », confie-t-il avec émotion. « Ce souvenir douloureux est resté gravé en moi et continue de guider chacun de mes pas. »

Mais Dr Janvier refuse de laisser cette douleur se transformer en fatalité. Sa détermination, aiguisée par des décennies marquées par la dictature des Duvalier et aujourd’hui confrontée à une insécurité généralisée, lui donne la force de lutter sans relâche. Comme il l’exprime avec conviction, « l’alternative au combat pour les droits humains est le silence, un silence où l’injustice prospère. Un silence qui tue la dignité humaine ».

À Jérémie, Dr Yvon Janvier dirige une clinique juridique, CRAALE, au sein de l’École Supérieure Catholique de Droit de Jérémie (ESCDROJ), la seule clinique universitaire du genre en Haïti. Avec ses étudiants et ses partenaires américains de l’University of California,College of Law de San Francisco (UC Law SF), il intervient auprès de femmes victimes de violences basées sur le genre et défend des détenus oubliés par un système judiciaire défaillant. Un cas récent, particulièrement bouleversant, est celui d’une femme incarcérée sans mandat pendant plus d’un an, dont le bébé, privé de soins, est décédé tragiquement durant sa détention.

Dr Janvier, ancien maire, journaliste, enseignant et animateur radio, s’efforce aussi de préparer l’avenir, de préparer des jeunes cadres à sauver des vies, en dirigeant un centre de formation en action humanitaire, l’Institut de Leadership et d’Action Humanitaire (ILEAH). Depuis 2017, suite à une spécialisation en droits humainsà l’American University, Washington College of Law (AU-WCL), aux Etats-Unis, de retour au pays, il fait équipe avec d’autres collègues pour fonder le Groupe d’Appui au Développement et à la Démocratie (GRADE), et ainsi sensibiliser les jeunes Haïtiens sur les droits humains et renforcer les capacités des organisations locales. Son objectif est clair : transformer ces structures en véritables pôles d’excellence, où l’on apprend à défendre concrètement la justice et la dignité humaine.

Certes, il n’a pas gagné le prix. Mais, sa nomination comme finaliste au Global Advocacy Award n’est pas passée inaperçue. Les félicitations affluent, venant notamment de l’équipe de UC Law, ses amis américains de longue date qui avaient soumis sa candidature. Blaine Bookey, une collègue respectée, lui écrit : « Ton engagement est une source d’inspiration profonde pour nous tous ». Le Doyen de l’ESCDROJ, le révérend père, Dr Jomanas Eustache, voit également cette reconnaissance comme une formidable opportunité pour l’ESCDROJ : « Cela apporte une grande visibilité à notre travail collectif et honore tous ceux qui œuvrent pour la justice en Haïti. »

Pourtant, le Dr Janvier garde sa lucidité face aux innombrables défis auxquels le pays fait face. « En Haïti, l’État peine à répondre à ses obligations internationales consistant à garantir et protéger les droits fondamentauxde ses citoyens. Les gangs imposent leur loi face à un Etat impuissant et parfois complice. Mais la lutte doit continuer sans cesse », rappelle-t-il avec force.

En clôturant son discours à Harvard, le Dr Janvier a rendu un hommage vibrant à Mario Joseph, défenseur emblématique des droits humains récemment décédé dans des circonstances tragiques. Il remercie également tous les alliés internationaux qui soutiennent son pays, en particulier ceux de UC Law SF, « de véritables amis d’Haïti», souligne-t-il.

Le message qu’il souhaite transmettre aux jeunes Haïtiens est empreint d’une détermination contagieuse : « Aidez les autres à défendre leurs droits. C’est ainsi que nous bâtirons la nouvelle Haïti à laquelle nous aspirons tous. » Citant Aimé Césaire, Dr Janvier, tout en faisant appel au renforcement de la solidarité nationale et internationale a ainsi conclu ses propos : « Ma voix sera la liberté de ceux qui s’enfoncent dans le cachot du désespoir. »

Sa voix, indéniablement, résonne déjà bien au-delà de Jérémie.

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