Un beau matin du 14 août 2021 sous un soleil déjà caressant annonçant une journée magnifique arriva comme un coup de tonnerre un tremblement de terre d’une magnitude 7.2 sous l’échelle de Richter qui venait terrasser avec charivari l’espérance d’une journée prometteuse. Depuis lors, un branle-bas, une course poursuite à gauche à droite, des pleurs intempestifs, des pulsations qui n’arrêtent pas de tenailler les organes de notre cœur, des sueurs froides qui coulent de partout sur notre corps, des réunions inopinées qui rassemblent imprévisiblement des gens du quartier, des incompréhensions qui gagnent les esprits des gens, des inquiétudes qui laissent abasourdis même les individus les plus avisés. On est dans la même galère. On essaie de tenir le coup, de se supporter mutuellement, des enfants qui s’enroulent dans les pieds de leur papa et les robes de leur maman. Ah ! tant d’émotions qui gagnent les cœurs qui nous révèlent notre impuissance et notre petitesse face aux démonstrations de force de la Nature.
Arrêtons d’épiloguer sur un évènement qui nous dépasse. Ouf ! hm ! Protégeons les enfants après le passage de ce séisme ravageur se veut un cri d’alarme en faveur de la protection des enfants. Nous avons au moins ce devoir de protéger nos enfants après le passage brutal de cet évènement traumatique et traumatisant. Les parents sont les premiers invités à galvaniser leurs énergies pour aider les enfants à sortir de cette situation encombrante qui risque d’avoir des incidences profondes sur leur cerveau et leur fonctionnement.
Vous convenez avec nous que personne ne peut sortir indemne de cette catastrophe naturelle. Dans la majeure partie des cas, les conséquences ne sont pas visibles à l’œil nu mais se manifestent à travers un comportement quelconque : stress continu, Insomnie, sens de culpabilité, problème psycho moteur, problème physio somatique, perte de confiance en soi, cauchemar nocturne, nonchalance (Ammaniti,2016,123) toute une panoplie de symptômes qui peuvent accompagner la personne plus spécialement l’enfant le rendant dysfonctionnel.
Dans le texte CD :0-3R sur la classification diagnostique de la santé mentale et des troubles de développement dans l’enfance est rassemblé l’ensemble des répercussions que l’enfant peut subir après l’expérience traumatique comme le tremblement du 14 aout 2021 : la réminiscence de l’évènement vécu, le retour récurrent et intrusif de l’évènement traumatique en dehors du contexte de jeux, cauchemar répété, état de stress avec des composantes végétatives, exprimé à travers le langage ou le comportement, récurrence épisodique de flashback ou de dissociation c’est à dire la reproduction de l’évènement sans que l’enfant prenne conscience de la provenance des telles idées, augmentation de l’isolement social, importante diminution de l’intérêt et de la participation aux activités significatives, y compris le jeux, les interactions sociales et les routines quotidiennes (CD :0-3R, 2014,22-23).
Il est vraiment inutile d’allonger la liste des complications qui pourraient accompagner un tel évènement traumatique. Ainsi, Il est du devoir de tout adulte ou plus précisément des parents ou des autorités parentales de s’appliquer à aider les enfants à vaincre le stress de l’évènement traumatique à leur avantage.
Nous avions pu constater la panique créée par le tremblement de terre et ses répliques intempestives. Des adultes qui courent à toutes jambes, qui lancent des cris avec des décibels énormes, qui laissent derrière eux parfois des êtres chers, des enfants troublés pleurant comme une madeleine cherchant refuges auprès d’un proche. Des enfants qui ne pouvaient / ne voulaient dormir pour ne pas être surpris par les répliques imprévisibles du séisme.
Vous imaginez les inquiétudes et les peurs qui gagnent l’esprit de ces enfants. Point n’est besoin de souligner à votre attention les dégâts que peut causer cette crise de panique et qui est susceptible de rendre l’enfant dysfonctionnel et psychologiquement réduit.
Henri NOUWEN dans son texte signe de vie, de la peur dit qu’elle entraine comme conséquence la paralysie et la stérilité de l’individu : la stérilité est l’une des conséquences les plus évidentes de la peur. Plus nous avons peur plus, plus nous nous eloignons. Quand nous nous sentons menacés de partout, nous nous replions sur nous-mêmes et nous nous fermons aux autres, empêchant ainsi une relation profitable de grandir (NOUWEN,1997,57). Et cette réflexion vaut beaucoup plus pour l’enfant plus vulnérable que nous, adultes. À ce propos, Le CD :0-3 a ajouté qu’après l’évènement traumatique l’enfant peut manifester des symptômes qui nuisent à la règlementation de ses émotions : Il peut éprouver de la difficulté à aller au lit, difficulté de concentration, hyper vigilance, augmentation de l’irritabilité, attaque de colère (CD :0-3R,24). Tout cela pour signifier avec un certain relief l’importance des évènements traumatiques dans la vie des enfants.
Les enfants qui ont expérimenté un évènement traumatique peuvent temporairement perdre les niveaux de développement précédemment acquis. Ils peuvent manifester des comportements agressifs envers ses amis, les adultes et les animaux (CD :0-3R.24), peuvent développer de nouvelles peurs comme peur du noir, du bruit, peur d’entrer dans la maison comme dans la salle de bain, angoisse de séparation, perte de contrôle du langage et du sphincter. etc
Il est de nul doute que l’enfant traumatisé par un évènement aussi rageur peut développer la tendance à manifester des comportements anormaux comme le souligne le texte sus dessus cité qui influent avec une valence considérable sur l’ensemble de sa vie et qui le fait devenir une personne méconnaissable de ses proches et de ses amis.
Dans cette perspective, le support et l’accompagnement des parents et des proches s’avèrent vraiment indispensables pour un passage en douceur, sans trop grand danger et de graves conséquences sur sa vie.
À côté de ces manifestations comportementales et émotionnelles provoquées par le passage de ce séisme pouvant rendre dysfonctionnel l’enfant, il est important de faire remarquer également que, victime d’un tel évènement traumatique, l’enfant peut courir le risque d’avoir en plus des difficultés d’apprentissage.
Si nous nous referons, par exemple, à la théorie de développement cognitif de Piaget tel que rapportée par Santrock dans son livre Psychologie de développement (Santrock,2013,138), pour tous les stades liés à son développement, l’enfant a besoin d’une certaine stabilité psychologique, s’il veut faire le passage normal d’un stade à un autre.
Car l’apprentissage est un processus qui requiert une certaine disponibilité mentale pour que puisse se fixer les connaissances susceptibles de rendre l’individu apte à ses activités routinières, au moins.
Un enfant troublé ou traumatisé par un quelconque évènement majeur sera en difficultés de mettre en mouvement et en application de manière efficiente et efficace toutes ses facultés et ses capacités dans l’accomplissement de ses tâches quotidiennes et intellectuelles.
Fixer les connaissances dans sa mémoire-magasin galvanise tellement d’énergies. Si l’enfant n’arrive pas à organiser ses énergies et ses potentialités, sa capacité d’apprentissage subira sans nul doute les contre coups et portera comme un lourd fardeau les conséquences néfastes de cette incapacité d’organisation.
Le meilleur apprentissage n’est-ce pas une question d’organisation ? On apprend dans la mesure où l’on est capable de bien organiser ses connaissances. Une connaissance sans organisation est donc un véritable melting-pot, un bazar qui ne peut servir à rien. On connaît des gens qui se disent des nantis de connaissances qui ne peuvent les utiliser au bénéfice d’eux-mêmes et celui de la communauté dans laquelle ils vivent.
L’apprentissage doit aider l’apprenant à mieux s’organiser et répondre aux exigences que lui dictent les lois de la vie. L’enfant qui apprend cherche à travers son apprentissage à se préparer pour répondre et correspondre à ses obligations personnelles et sociales. Si donc, l’enfant est en difficultés psychologiques, s’il perd ses pédales, il n’est pas nécessaire de ressasser que son niveau d’apprentissage va subir des dommages qui hypothèquent ses compétences et sa fonctionnalité.
Dans ce cas, ,il faudra à l’enfant une certaine disponibilité psychologique pour que le processus d’accommodation et d’assimilation dont parle Piaget dans une dynamique d’apprentissage puisse devenir une réalité dans sa vie.
Tout processus d’apprentissage doit aider l’enfant à devenir autonome, à être capable de prendre certaines décisions pour sa vie et à assumer convenablement les responsabilités liées à son état. On ne saurait arriver à un tel degré d’apprentissage si l’enfant est déjà fébrile dans son mental et ne peut trouver cette homéostasie psychologique pour fixer ses connaissances. Car un enfant instable éprouve toujours de la difficulté à organiser ses idées et ses pensées. Et cette inorganisation potentielle gagnera tous les interstices de sa vie et le rend inapte à répondre à ses exigences sociales.
L’attention, la concentration,en outre, sont des éléments nécessaires dans toute dynamique d’apprentissage. L’enfant a besoin de cette concentration et cette attention pour intérioriser et mémoriser. Le passage de la mémoire de travail à la mémoire magasin nécessite inévitablement l’exercice de ces supports pour mener à bien toutes ses activités.
L’attention et la concentration sont des structures qui mobilisent beaucoup d’énergies pour être efficaces. Un enfant, sorti d’un évènement traumatique comme celui du 14 août, s’il n’a pas trouvé un environnement fiable et approprié, il ne peut faire l’économie de ces énergies pour un apprentissage normal. Si apprentissage, on peut parler dans ce sens c’est un apprentissage bâclé. Car Il n’est pas dans l’intérêt de quiconque qu’un enfant puisse évoluer dans un mode d’apprentissage de ce type.
Protégeons les enfants !!! se veut une manière d’attirer l’attention de tous et surtout les parents et les proches sur les enjeux de cet évènement et les sensibiliser sur la nécessité de prendre toutes les dispositions pour protéger les enfants, déjà fragiles, des conséquences néfastes de cet évènement sur leur vie.
Certaines études sur le rapport parents-enfants surtout celle de Bowlby soulignent l’importance de la présence significative des parents auprès des enfants (Bowlby,1973,). Leur développement psycho social et cognitif passe également par le mode d’accompagnement et de présence des parents.
La disponibilité des parents façonne la sécurité de l’enfant qui semble attendre tout d’eux. Cela devient une obligation morale que les parents s’avisent à donner à l’enfant tout ce dont il a besoin pour son développement normal.
Une disponibilité impliquant la création de relations solides et intimes avec l’enfant. À ce propos Mikulincer et Shaver pensent que créer des relations intimes et solides peut servir à d’autres buts en plus de la protection et de la sureté (Mikulincer,Shaver,2013,79) comme par exemple activer chez l’enfant le sens d’auto efficacité et d’estime de soi, permettre à l’enfant d’évaluer son environnement,d’intégrer et de développer son sens social pour ne citer que ces compétences.
Protéger l’enfant, cela implique lui donner la possibilité de développer ses potentialités et devenir le maitre d’œuvre de sa vie.
Dans la lignée de notre pensée, la protection de l’enfant passe par le mode de comportement et de langage de ses parents et de ses propres. Puisque le tremblement de terre en soi est un évènement traumatisant, les parents ont le devoir de régler leurs émotions et leur comportement pour ne pas créer chez l’enfant un sentiment de frayeur et de peur qui paralyse sa vie, car comme dit Henri Nouwen, quand la peur domine notre vie, nous nous inquiétons de notre valeur en tant que personne (Nouwen,1997,61). Quel serait donc le devoir des parents sinon la croissance et le bien-être de ses enfants ?.
C’est un devoir primaire, dirait-on, de protéger et d’assurer le bien-être de ses enfants. Garder un certain équilibre psychologique durant ces moments de frayeur et de peur provoqués par le tremblement de terre, éviter le relâchement des paroles et des gestes nocifs pour les enfants sont un moyen de les protéger des contrecoups inhérents au passage du tremblement de terre et les répliques qui y sont associées.
Somme toute, la protection de l’enfant constitue donc un paradigme auquel aucun adulte et voire les parents ne peuvent se dérober. C’est un droit que l’enfant a d’être protégé et à l’autre bout c’est un devoir que l’on a d‘assurer sa protection à n’importe quel prix. Même dans les situations les plus horribles et les plus terribles, les parents ont la noble mission de créer chez l’enfant un sentiment de sérénité et de sureté pour ne pas perturber son développement, sa croissance et son plein épanouissement. Alors protégeons les enfants après le passage de ce séisme. Car ils sont l’avenir du pays et de l’humanité.
Marc Antoine Casimir, psy.
tel: 3414 3644