Il existe dans l’histoire d’Haïti une vérité que le temps n’a pas pu éroder :chaque fois que ce pays a choisi de renaître, il l’a fait sans attendre un signal extérieur. Ses plus grandes métamorphoses ne sont jamais venues d’une permission accordée, mais d’une décision intérieure, ferme, presque sacrée. Cette vérité s’incarne avec une intensité unique le 18 novembre1803, à Vertières. Ce jour-là, Haïti n’a pas seulement gagné unebataille. Elle a redéfini ce que signifie le droit à l’autodétermination un peuple qui se dresse par lui-même. Un peuple qui n’a pas besoin d’autorisation pour transformer son destin.
Il n’y avait ni alliances internationales,ni reconnaissance diplomatique, ni promesses de remboursement des injustices passées. Il n’y avait que la certitude profonde que le futur ne se quémande pas : il se crée. La souveraineté n’a pas étéofferte. Elle a été sculptée. Elle a été inventée, forgée par des femmes et des hommes de courage et de vision Vertières n’a pas été une ouverture concédée ; ce fut une porte fracassée, un choix collectif de se tenir debout dans un monde qui voulais les courber. Et c’est là que réside la force singulière d’Haïti :être née d’un acte d’auto définition tellement radical qu’il continue d’échapper à ceux qui cherchent à la réduire.
Parce qu’un pays qui s’invente seul garde pour toujours la capacité de se réinventer sans autorisation. Nous oublions parfois ceci : La réinvention d’Haïti n’a jamais dépendu d’un regard extérieur, encore moins d’un remboursement de dettes qui, même s’il serait juste,ne pourra jamais restituer l’incommensurable. La renaissance d’Haïti ne jaillira pas d’un geste réparateur venu d’ailleurs, mais d’une clarté retrouvée en elle-même.
Se réinventer n’est pas une faveur qu’on reçoit ; c’est un mouvement intérieur, une discipline, un refus de mourir, une manière de dire que autodétermination est une compétence nationale . Aujourd’hui encore, la relève d’Haïti émergera : des institutions qu’on remet debout, des citoyens qu’onresponsabilise, des artistes qui ravivent les mythes, des jeunes qui redessinent l’imaginaire. C’est de là que naissent les nations, et non des promesses étrangères. Vertières, au fond, n’est pas un événement. C’est une méthode, une formule,un enseignement transmis en silence qui signifie que lorsqu’un peuple décide, le monde finit par constater.
Et ce peuple n’attend pas qu’on lui ouvre la voie.Il marche, puisla voie s’ouvre.Haïti n’a jamais eu besoin de permission pour exister. Elle n’en aura pas davantage besoin pour se réinventer. Car ce qui la sauvera ne viendra jamais d’un accord extérieur,mais de la même source qui l’a fondée :la capacité de choisir ce qu’elle refuse, ce qu’elle veut, et ce qu’elle devient.
Sybille B.ABEILLE
Abeille est consultante en diplomatie culturelle, branding territorial et tourisme culturel durable. Formée en sciences politiques et en tourisme culturel durable, elle accompagneinstitutions, villes et acteurs culturels dans la valorisation des identités, le développement territorial et durable, la création de partenariats et la promotion de projets culturels, en Haïti et à l’international.




