La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) de 1989 prescrit que le développement sain des enfants est crucial pour l’avenir de toute société et reconnaît aux enfants le droit à un hébergement, aux loisirs, à un cadre de vie décent.
A Jérémie, la réalité dément le fait qu’Haïti soit signataire de ladite Convention dont les dispositions, à la lumière de l’article 276.2 de la Constitution haïtienne, engagent l’Etat en termes de prise en charge des enfants, en particulier ceux, orphelins de père et/ou de mère qui pullulent nos trottoirs et établissent leur quartier général, les mains tendues pour mendier, devant les institutions de services de la ville. En effet, ces enfants dits espoir de demain, une formule qui est sur toutes les lèvres, n’ont pourtant d’autres choix que de prendre le pavé pour se livrer à la mendicité.
L’IBESR entre contraintes et réponses
Leur nombre est en constante progressions, ce, depuis après le passage de l’ouragan dévastateur Matthew, en octobre 2016. Pour essayer de comprendre le phénomène, JCOM a rencontré plusieurs acteurs étatiques et les responsables des organisations et acteurs clés intervenant dans le domaine des droits de l’enfant.
Madame Garlène Dupoux est responsable du bureau départemental de l’Institut du Bien-Être Social et de Recherches (IBESR) dans la Grand’Anse. Elle projette une certaine lumière sur la situation: « Nous sommes bien conscient du constat. C’est évident le phénomène des enfants de rues augmente chaque jour à Jérémie”. Mais ce qu’il faut comprendre, a t-elle tenu à préciser, beaucoup d’entre eux ont de la famille. La plupart, a poursuivi, la responsable de l’IBESR, ont obtenu l’accord de leurs parents, vivant dans des conditions précaires, il faut l’admettre, pour venir quémander en pleine rue”. Ces enfants regagnent parfois leur pénates avec un plat chaud qui est fort souvent partagé entre plusieurs”.
A la question de savoir quelles contraintes empêchent son institution d’évacuer ces enfants. Mme Dupoux a souligné que ce n’est pas à l’IBESR de déplacer les enfants mendiant dans les rues, il revient plutôt à la municipalité de les prendre en charge. “Nous, nous sommes là, a indiqué enfin Mme Dupoux, pour effectuer un travail de supervision et nous assurer le cas échéant de trouver à ces enfants, un toit, une famille, où ils pourront grandir et s’épanouir dans un environnement sain”.
A l’origine du problème
Gerald Guillaume , responsable d’Idette, une organisation oeuvrant contre la traite et la maltraitance des enfants, évoque la migration rurale due à la décadence de l’agriculture et aux effets pervers du l’ouragan Matthew, comme l’une des causes de la présence des enfants mendiants dans les rues de Jérémie. Le déplacement régulier de la population, délassant les zones rurales pour émigrer dans des zones urbaines, parfois sans planification et même sans un sou, n’est pas sans consequences. Parfois ces enfants, sous la pression d’un adulte, sont obligés de participer dans des actes criminels pour ensuite se retrouver inopinément en prison.
Autre conséquence, évoque Monsieur Guillaume, c’est l’augmentation considérable des filles mères, des adolescentes qui pratiquent la mendicité et qui sont abusées sexuellement par des hommes. Tombées enceinte après avoir été victimes de viols, ces enfants sont livrées à elles-mêmes et sont donc contraintes d’investir les rues, comme moyen, pour satisfaire leur besoin de subsistance. « La société civile et l’Etat doivent prendre des mesures urgentes pour résoudre le problème, a conclu le responsable de l’IDETTE.
Les enfants témoignent
L’équipe JCOM a approchée ces enfants semblant vivre en marge de la société. L’un deux, à peine douze ans, confesse: « Je suis obligé de solliciter l’aide d’autres personnes qui ont les moyens pour subvenir à mes besoins quotidiens. Je suis l’aîné d’une famille de trois enfants. Ma mère et mon père ne peuvent pas nous donner même à manger. Moi j’ai la chance, j’ai au moins une vieille cabane pour dormir, contrairement à d’autres parmi nous qui n’ont que les bancs de la plaçe Dumas pour s’allonger pendant la nuit”. Il a expliqué aussi pourquoi ses pairs ne restent pas à a l’orphelinat : “il y en a qui fuient l’orphelinat parceque le traitement n’est pas si favorable que ça”. “Nou lan lari a, nap chache, nap brase » a lancé un autre sur un ton jovial, apparemment sans une conscience réelle de sa situation.
Steevenson Jean Felix, un psychologue de formation, croit que l’une des principales causes de ce phénomène c’est le « besoin”. L’enfant dont les parents ne peuvent plus combler les besoins, est poussé par l’instinct de survie d’aller chercher une vie meilleure. La rue leur paraît donc la meilleure solution. Malheureusement, a souligné le psychologue, nos politiques les utilisent pour accomplir parfois leur sale besogne. Les autorités ont l’obligation de se pencher sur la question car, si rien n’est fait, d’ici quelques années on risque de voir Jérémie avec un taux d’insécurité très élevé. Il est encore tôt pour agir », a expliqué le psychologue.
Abandonnés presque à leur sort, ces jeunes et enfants n’ont personne pour leur inculquer des notions sociales et morales et des valeurs susceptibles de les aider a se construire . Or, il est à souligner qu’au regard de la convention sur les droits de l’enfant, outre l’obligation faite à l’Etat de les prendre sous sa coupe, “toute décision administrative ou tout autre mesure intéressant l’enfant doit prendre en compte le principe de l’intéret supérieur de l’enfant” (Art.3).
Flavien Janvier
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